Bourrasque

Un blog qui parle d'économie et de politique

De l’air aux océans, la civilisation contemporaine souille tout ce qui l’entoure Montage, «Beach strewn with plastic debris» et «Low visibility due to Smog at New Delhi Railway station» par Sumita Roy Dutta
Le 12 mars 2018

La taxe à rendement nul, un moteur pour la transition écologique

L’essentiel de nos problèmes environnementaux peuvent être résumés en une phrase : «Nous consommons trop de ressources naturelles». Nous consommons trop d’énergie, ce qui nous fait rejeter des quantités phénoménales de CO2 dans l’atmosphère; nous consommons trop de plastiques, engendrant une pollution massive des océans; mais nous consommons aussi trop d’eau potable, trop d’hélium et trop de cuivre. Aujourd’hui même le sable1 est une ressource naturelle en voie d’épuisement ! Et si nous ne changeons rien, le pire est encore à venir : la consommation de ressources est bien plus grande dans les pays développés que dans les autres pays (si on s’en tient aux seules consommations énergétiques, un Français consomme l’équivalent de 3,71 tonnes de pétrole par an, la moyenne mondiale étant à 1,86 2), mais dans un avenir proche de plus en plus de pays rattraperont les pays développés. Le développement économique fulgurant de la Chine ces dernières années commence déjà à poser un certain nombre de problèmes, pourtant les Chinois sont encore loin d’avoir le niveau de vie des Japonnais ou des occidentaux. Il est donc urgent d’agir. En tant que plus gros consommateurs de la planète, c’est évidemment à nous, occidentaux, qu’il incombe de montrer la voie. Dans cet article, je vais m’intéresser aux outils dispose l’État pour encourager la réduction des consommations. Je vais d’abord parler d’outils actuellement utilisés : les subventions, les normes et les taxes, puis je parlerai d’un outil alternatif que je pense être plus adapté: la taxe à rendement nul.

Les solutions existantes

Les subventions :

Pour encourager la réduction des consommations énergétiques, les gouvernements successifs ont mis en œuvre un certain nombres de subventions pour encourager les ménages et les entreprises investir dans des mesures d’efficacité énergétiques. Des organismes, comme l’ANAH, l’ADEME, ou le trésor public, vont alors prendre en charge une partie des dépenses contracté par un particulier ou une entreprise dans le cadre d’un projet d’efficacité énergétique. Il peut s’agir d’une nouvelle isolation de toiture, ou du remplacement d’un chauffage au fioul par une pompe à chaleur, dans le cas d’un particulier, ou plutôt d’une réfection du système d’éclairage ou de la mise en place d’un système de récupération de chaleur, s’il s’agit d’une entreprise.

Les subventions se révèlent parfois efficace, mais elles cumulent un grand nombre de défauts. D’abord, elles n’encouragent que l’efficacité énergétique, et ne favorisent pas la sobriété. Elles favorisent les changements d’équipement, mais ne stimulent pas les changements d’usage : un particulier reçoit une incitation à changer de chaudière, ou à remplacer sa vieille voiture diesel par une voiture électrique, mais il n’est pas du tout encouragé à faire attention à sa consommation d’eau chaude, ou à faire du covoiturage avec ces collègues. C’est une faiblesse, parce qu’on se prive des leviers les plus importants pour réduire nos consommations.

Ensuite, les subventions ne concernent qu’une petite partie de la population. En effet lorsque l’État subventionne l’achat d’un équipement économe en énergie, il ne paie qu’une partie de l’investissement, ce qui suppose que le ménage, ou l’entreprise, fasse l’appoint. Peu probable donc, que les SMICards et les petits patrons se laissent tenter par l’aventure. Si on prend par exemple une pompe à chaleur coûtant 13 000€ à l’achat3, si un particulier peut bénéficier de près de 4 500€ de subvention3, il lui reste néanmoins 8 500€ à payer. Et pour la frange plus aisée de la population, si l’investissement n’est pas un problème, le bénéfice attendu porte sur le long terme et il est faible. Il ne justifie donc pas forcément de faire les démarches ni de supporter les travaux. D’autant que les formalités pour bénéficier des subventions sont complexes, notamment à cause du grand nombre de mesures formant un patchwork réglementaire touffu : il existe de nombreux mécanismes différents, avec des taux de subventions variables, et des conditions qui ne sont pas les mêmes selon les subventions, certaines pouvant se cumuler entre elles d’autre non. Pour ne rien arranger, les différents mécanismes évoluent au fil du temps, selon des calendriers qui leur sont propres.4

Enfin, le coût d’une mesure de subvention ne dépend pas uniquement de l’efficacité de la mesure. Par exemple, considérons que le gouvernement veuille mettre en place une subvention pour inciter les gens à changer leur frigo au profit d’un frigo plus économe en énergie. Il décide donc qu’à partir de maintenant, 30% du montant du frigo sera subventionné par le biais d’un crédit d’impôt. À 330€ par frigo vendu en moyenne, le gouvernement estime donc que la mesure lui coûtera 100€ par frigo. Seulement voilà, il se vend chaque année, indépendamment dans toute subvention, près de 2 millions de frigos en France. Les 2 millions d’acheteurs annuels, bénéficieront donc de la subvention, même s’ils auraient acheté un frigo de toute façon, pour un coût total de 200 millions d’euros. Ensuite viennent les acheteurs qui ont été incités par la subvention. Combien seront-ils ? Impossible à prédire, supposons qu’ils soient 1 million, ce qui rajoute encore 100 millions au budget de la subvention. Le coût total de la mesure est donc de 300 millions d’euros, pour 1 million de frigo supplémentaires vendu grâce à la subvention, ce qui revient à 300€ par frigo, aussi cher que si le gouvernement avait acheté lui-même les frigos et les avait distribués gratuitement5. En plus, ces subventions engendrent un effet d’aubaine : elles peuvent inciter les vendeurs de frigo à augmenter leurs prix, puisque les consommateurs ont un pouvoir d’achat plus grand du fait de la subvention. La subvention est donc en partie détournée de son objectif initial d’efficacité énergétique au profit des industriels 6.

Les normes :

Plutôt que d’encourager les gens à investir dans des technologies économes en énergie ou en ressources avec des subventions, l’État peut aussi imposer aux entreprises un certain nombre de règles sur les produits qu’elles commercialisent. Ainsi, la loi interdit depuis peu la distribution de sac en plastique jetables et les ampoules électriques, tandis que des normes encadrent la pollution émise par les véhicules, ainsi que la quantité d’isolant qui doit être mise dans un logement neuf. Les normes permettent de fixer un minimum d’exigence, pour éviter que des produits de trop mauvaise qualité ne se retrouve sur le marché grâce à leur coût plus faible. Elles sont assez efficaces dans ce domaine, mais elles ont néanmoins quelques limites importantes.

Par nature, les normes portent sur des détails techniques : «quel type de sac une entreprise de distribution peut-elle utiliser», «combien de centimètres d’isolant faut-il mettre sous la toiture d’une maison individuelle», leur rédaction demande donc une grande connaissance de la technique qu’on veut encadrer. Cela demande de faire appel à un panel d’experts du sujet, venant de préférence d’horizons différents, et qui ont des avis potentiellement contradictoires. Le processus est long (souvent plusieurs années), et il aboutit à des documents très pointus et très techniques, faisant parfois plusieurs centaines de page : la réglementation thermique 2012, qui réglemente la construction des logements neufs, comporte une dizaine de document dont le plus volumineux fait plus de 1000 pages7. Et cet effort doit être répété pour chaque domaine que l’on veut réglementer ! Lorsqu’il s’agit de protéger la sécurité des citoyens, cet effort est justifié, parce qu’il n’y a pas vraiment d’alternatives : sans normes, les industriels seraient libres de faire absolument ce que bon leur semble dans tous les domaines. Mais lorsqu’il s’agit de réduction des consommations, je ne pense pas que la norme soit l’outil adapté parce qu’elle ne définit que le minimum légal que les industriels doivent respecter. Une nouvelle norme ne peut pas être trop exigeante par rapport à la situation antérieure, sinon elle risquerait d’empêcher tout le monde de travailler.

Les normes ont aussi divers coûts pour la société. Au-delà du coût lié à leur formalisation, elles induisent aussi des coûts administratifs pour les entreprises qui doivent s’assurer d’être bien conforme à toutes les nouvelles normes. Lorsqu’elles forcent une entreprise à changer ses pratiques, elles augmentent aussi les coûts de productions, qui se répercutent soit sur la rentabilité de l’entreprise, soit sur le prix de vente des produits. Le pire ce n’est pas tant que les normes aient un coût, mais que ce coût est complètement décorrélé de la véritable plus-value de la norme. En fonction des cas, vouloir réduire de 10% une quantité consommée, peut aussi bien augmenter le coût production de 0.1%, que de le tripler. Ce point fait toujours l’objet d’âpres négociations entre les différentes partie prenantes lors de l’établissement d’une nouvelle norme, de sortes que les normes n’imposent jamais brutalement des contraintes trop strictes.

Comme la norme ne peut faire qu’un petit pas à la fois, utiliser les normes pour réduire les consommations demande donc de faire plein de petits pas à la suite, en définissant sans-cesse de nouvelles normes toujours plus exigeantes. Outre le temps passé à concevoir la nouvelle norme, et les différents coûts engendrés par sa mise ne œuvre, à chaque fois qu’une nouvelle norme est introduite on s’expose au risque qu’elle soit mal pensée et qu’elle ait un effet contre-productif. Pour donner un exemple d’une telle norme contre-productive, on peut citer l’interdiction du bisphénol A, qui a conduit les industriels à le remplacer par du bisphénol S ou du bisphénol B, tout aussi toxiques sinon plus que leur prédécesseur8.

Enfin, qui dit normes dit contrôle. Pour que les entreprises respectent les normes qui s’appliquent à elles, il faut mettre en place des contrôles draconiens car les fraudes sont innombrables. Face à des entreprises, comme l’industrie automobile dans le cas des véhicules diesel, qui n’hésitent pas à truquer les résultats des tests, le contrôle de l’application des normes est un combat de tous les instants. Plus les normes sont nombreuses et régulièrement durcies, plus la tentation de frauder est grande, et plus elle paraît légitime.

On l’a vu, les normes sont des outils utiles pour fixer des exigences minimums et des règles de bonne pratiques, à condition qu’elles ne soient pas trop nombreuses, et qu’elles soient stables dans le temps. Mais si on souhaite insuffler une dynamique de changement profond, elles ne sont pas les plus adaptées.

Les taxes :

Le facteur le plus puissant dans la consommation d’une ressource, c’est son prix : plus un produit est cher, et moins les gens peuvent se permettre d’en consommer. C’est cette observation basique qui a inspiré la mise en œuvre d’un certain type de taxes, les taxes dites Pigouvienne, qui sont là pour augmenter le prix des biens, lorsque leur prix de marché ne correspond pas à l’ensemble des coûts qu’ils engendrent. Les plus célèbres d’entre elles sont les taxes sur le Tabac et sur l’Alcool. Ces deux produits ne coûtent pas très cher à produire ni à distribuer, ils ont donc naturellement un prix de marché assez faible, ce qui favorise leur consommation. Mais comme ils engendrent des coûts sociaux très importants, l’État met en place une taxe qui augmente leur prix pour réduire la consommation. Cette méthode est assez efficace pour réduire les consommations, et à l’inverse des subventions, elle a un impact positif sur les finances du gouvernement.

Ces mesures ont néanmoins trois gros défauts qui empêchent leur généralisation. Le premier défaut de cette méthode, c’est que toute nouvelle taxe va peser sur le pouvoir d’achat des ménages, ou les coûts de production des entreprises. En effet, s’il est «facile» de réduire sa consommation de cigarettes pour compenser la hausse du paquet, il est beaucoup plus difficile de réduire sa consommation d’essence ou d’électricité. Des solutions peuvent exister, comme acheter une nouvelle voiture qui consomme moins, ou ne pas laisser brancher une dizaine de gadgets électroniques inutilisés, mais elles ne s’adressent pas à tout le monde : par exemple pour Paul, 22 ans, qui enchaîne les petits boulots en intérim au volant de sa Fiat Punto d’occasion, acheter une voiture qui consomme moins n’est pas à sa portée. Une taxe augmentant le prix de l’essence de 10% va donc directement se répercuter du jour au lendemain sur son budget qui n’est déjà pas flamboyant. Mettre en œuvre des taxes touche donc différemment les différentes catégories sociales, mettant une pression financière forte sur les classes populaires, sans pour autant être suffisante pour inciter les ménages aisés à réduire leur consommation.

La baisse du pouvoir d’achat causée par la mise ne place d’une taxe simple La baisse du pouvoir d’achat causée par la mise ne place d’une taxe simple

Deuxièmement, parce qu’elle nous oblige à changer nos habitudes sous peine de sanction financière, les nouvelles taxes sont très impopulaires. C’est à la fois un frein à la mise en place de la taxe, mais l’abolition de la taxe est aussi un excellent argument de campagne pour l’opposition lors des élections suivantes. Quand bien-même un gouvernement aurait le courage de mettre en place une forte taxation visant à réduire nos consommations de ressources naturelles, il perdrait vraisemblablement les élections suivantes et la taxe serait très probablement abrogée. Les taxes ne restent en place que si elles rapportent une manne financière tellement importante que le gouvernement suivant ne puisse pas se priver de cette ressource. Mais dès lors que la taxe se met à devenir une source de revenu indispensable pour l’État, elle perd de vue son objectif de limitation de la consommation. En 2017, confronté à une baisse des recettes fiscales des taxes sur le tabac, le ministre des Finances belge a proposé de réduire le montant de ces taxes, afin de stimuler la consommation de tabac et ainsi augmenter les recettes de l’État10. Dans un telle situation, la posture hypocrite de l’État vient encore renforcer l’impopularité de la taxe.

Maintenant qu’on a vu les limites du triptyque subventions/normes/taxes, je vais vous parler d’un outil alternatif : la taxe à rendement nul.

La taxe à rendement nul :

Le principe est extrêmement simple : il s’agit d’une taxe combinée à une prime qui annule en moyenne l’effet de la taxe pour ne pas impacter le pouvoir d’achat de la population. L’ensemble de l’argent collecté par l’État au titre de cette taxe est redistribué au lieu d’aller dans les caisses de l’État, d’où son nom de «Taxe à rendement nul». Pour clarifier un peu, prenons un exemple :

Ces dernières années, le niveau des nappes phréatiques est en baisse, et le gouvernement souhaiterait inciter ses concitoyens à réduire leurs consommations. Il met donc en place taxe à rendement nul (TRN dans la suite), à hauteur de 50% du prix final de l’eau. Ainsi, le prix de l’eau double pour le consommateur. Le budget moyen d’un individu passe donc de 180€ à 360€. En parallèle, l’État redistribue 180€ à chaque Français. En moyenne, les Français n’ont donc pas de variation de leur niveau de vie.

La taxe à rendement nul n’affecte pas le pouvoir d’achat des individus La taxe à rendement nul n’affecte pas le pouvoir d’achat des individus

Par contre, les situations vont varier fortement en fonction de la consommation : les plus économes vont gagner de l’argent, tandis que les plus gros consommateurs vont voir leur dépenses augmenter. En effet, les 180€ de prime permettront de compenser la hausse du prix de l’eau pour les douches et la consommation courante, par contre le remplissage d’une piscine ou l’arrosage automatique d’une pelouse coûtera effectivement deux fois plus cher. Contrairement à une taxation simple, la taxe à rendement nul permettra donc de faire pression sur les usages les plus dispendieux sans affecter le pouvoir d’achat des Français, notamment les plus défavorisés.

La taxe pénalise les surconsommateurs et favorise les individus économes La taxe pénalise les surconsommateurs et favorise les individus économes

Non seulement cette absence d’effet négatif sur le pouvoir d’achat réduit l’impopularité de la mesure, mais elle permet également de jouer très fortement sur le prix de ce dont on souhaite réduire la consommation : dans l’exemple on a carrément doublé le prix de l’eau, ce qui serait presque impensable avec une taxation simple. Et en jouant fortement sur les prix, on envoie une incitation très forte à surveiller sa consommation : pour un individu, le gain espéré en faisant attention à sa consommation est doublé ! Avec un litre d’essence à 1€50, je pourrais gagner 35€11 chaque mois en décidant de m’organiser avec un collègue qui n’habite pas trop loin de chez moi. Aujourd’hui je ne le fais pas, parce que ça fait quand même pas mal de contraintes par rapport à ce que j’y gagne. Avec un litre d’essence à 3€, le gain potentiel attendrait 70€, c’est peut-être suffisant pour que je me décide de m’organiser. Et encore une fois, contrairement à une taxation simple, je reste complètement libre de faire ou non du covoiturage. Si je n’en fais pas, la prime versée par l’État compense l’augmentation et mon pouvoir d’achat n’en souffre pas. La taxe à rendement nul n’est donc pas un mécanisme coercitif, c’est simplement un mécanisme incitatif et ça change tout en termes de popularité de la mesure.

Et comme cette mesure incitative porte directement sur la consommation elle-même, elle favorise à la fois les démarche d’amélioration de l’efficacité et celles de sobriété.

En pratique :

Considérons l’exemple de trois individus au mode de vie différent :

Combien coûte la mesure ?

Pour calculer le montant de la prime de compensation, l’État utilise la consommation de l’année précédente : les Français ont consommé 3200 millions de mètres cubes d’eau l’an dernier14, la taxe double le prix de l’eau, provocant une augmentation du prix du m³ de 3,5€, donc pour compenser la taxe, il faut verser un total de 180€ par personne cette année. Si la consommation ne change pas suite à la mise en place de la taxe, le coût de la mesure est donc nul15. Par contre, si la consommation diminue de 5% grâce à l’incitation, la mesure coûte alors 560 millions d’Euros. Si la baisse atteint 30%, le coût de la mesure atteint 3,4 milliards d’Euros. On a donc là un instrument dont le coût pour l’État est directement proportionnel à son impact, contrairement aux subventions. De plus, pour les consommateurs, l’augmentation du pouvoir d’achat est égale au double de la dépense de l’État : en réduisant leur consommation d’eau de 30%, ils touchent 3.4 milliards de prime et en plus ils économisent 3,4 milliards d’euros sur leurs factures d’eau. En plus d’être un instrument de responsabilité écologique, il s’agit donc d’un outil de stimulation économique !

Fonctionnement dans la durée

La deuxième année, le calcul des primes de compensation est maintenant effectué sur la base de la consommation de la première année du dispositif. Si on suppose que la consommation totale a diminué de 5%, cela veut dire que chaque Français recevra une prime de 170€ pour la deuxième année. Ceux qui, comme Julien et Camille, ont fait des efforts la première année seront toujours gagnants, les autres sont légèrement pénalisés. La pénalité est juste parce qu’elle est proportionnelle à l’effort collectif consenti par les autres : si la société dans son ensemble a fait un effort de 5% mais moi non, je paierais une pénalité de 5%.

Les défis de la taxe à rendement nul

Parce qu’elle possède les avantages d’une taxe Pigouvienne sans ses plus graves défauts, la taxe à rendement nul est un dispositif attrayant. Il y a cependant un certain nombre de défis à relever pour la mettre en place. Il faut tout d’abord mettre en œuvre un système de collecte de la taxe, et de redistribution de la prime. Mais ce n’est pas la partie la plus délicate, la collecte de l’impôt et la distribution des aides sociales étant les piliers de l’État providence, celui-ci dispose d’administrations capable de réaliser ces taches.

Le défi le plus important, lors de la mise en place d’une taxe à rendement nul, c’est de faire en sorte que la prime de compensation soit bien ciblée, à la fois pour éviter les fraudes, et pour que la taxe à rendement nul soit équitable. Dans cet article, j’ai rapidement évoqué l’idée d’utiliser la taxe à rendement nul pour augmenter fortement le prix de l’essence, et ainsi encourager les conducteurs à trouver des modes de déplacements alternatifs comme le covoiturage. Dans le cas de l’essence on ne peut pas se contenter de verser la même prime de compensation à tout le monde : les habitants des grandes villes prenant les transports en commun bénéficieraient alors d’un cadeau indu, tandis que les ruraux devant faire 50km chaque jour pour se rendre au travail seraient fortement pénalisés. De plus, en cas de doublement du prix de l’essence, les frontaliers se rabattraient massivement vers les stations-services des pays voisins tout en bénéficiant de la prime de compensation.

Avant de mettre en place une taxe à rendement nul il faut donc s’assurer de deux choses :

Conclusion

La taxe à rendement nul est une solution qui permet de mettre en place des mesures choc, en faisant varier brutalement le prix de certaines consommations. On envoie ainsi un signal fort, qui déclenche un changement collectif des comportements, en partant du principe qu’il est beaucoup plus facile de changer ses habitudes si tout le monde les change en même temps, que de le faire seul dans son coin. Dans le cas du covoiturage pour se rendre au travail par exemple, il faut qu’il y ait à la fois suffisamment de conducteurs pour que je sois sûr, quand je pars de chez moi le matin, d’arriver à rentrer chez moi le soir. Et les conducteurs ne se donneront a peine de participer que s’il y a suffisamment de passagers potentiels.

Bien sûr, la taxe à rendement nul n’est pas un remède miracle, parce qu’elle est essentiellement adaptée pour les particuliers 16. Pour reprendre l’exemple de la consommation d’eau, la mise en place d’une TRN s’appliquant aux particuliers, ne toucherait ni l’industrie ni l’agriculture, qui sont pourtant de grosses consommatrices elles aussi17.

Néanmoins, c’est une mesure très intéressante, parce qu’elle peut s’appliquer à pleins de domaines différents : la consommation d’eau, d’essence ou d’électricité, ou encore la production de déchets ménagers. Mais elle peut également s’appliquer à d’autre domaines que la protection de l’environnement, dès lors qu’on souhaite dissuader les individus de consommer certains produits : les boissons sucrées et la malbouffe en général, ou encore les produits importés depuis l’étranger dans le cadre d’une politique protectionniste. Là encore, l’emploi de la taxe à rendement nul permet d’éviter le principal problème d’une politique protectionniste basée sur les droits de douane : la hausse des prix provoquant une baisse du pouvoir d’achat.

Notes